Un scandale ébranle actuellement Hollywood. Le très célèbre producteur Oscarisé Harvey Weinstein est sur le banc des accusés pour harcèlement sexuel et viol sur de nombreuses femmes, dont des actrices de renom.
Si sa réputation sulfureuse était déjà connue et faisait de tant à autres le sujet d’inside jokes grinçantes, aucune plainte n’avait osé être déposée contre le producteur jusque là. Ce dernier est une des personnes les plus influentes d’Hollywood, capable de faire ou de défaire n’importe quelle carrière. Il a produit de nombreux films à Oscars, via ses sociétés de production Miramax Films et The Weinstein Company, comme Pulp Fiction, Kill Bill, Shakespeare in Love, Gangs of New York, Le Seigneur des Anneaux, Will Hunting, Aviator, Le Discours d'un Roi ou The Artist. Il est également connu pour ses campagnes de lobbying afin de faire remporter de nombreuses récompenses à ses films.
Mais derrière le producteur à succès se cachait l’homme libidineux aux mains baladeuses et aux propos déplacés, qui s’en ait pris à de nombreuses actrices et femmes du métier. Ce secret de polichinelle est finalement exposé au grand jour le 5 octobre dernier dans un article de Ronan Farrow publié dans le New York Times, où sont rapportés de nombreux témoignages dont ceux de Ashley Judd, Rose McGowan, Mira Sorvino ou Asia Argento, mais également l’enregistrement audio d’une mannequin italienne agressée par Weinstein en 2015. Suite au scandale et à son licenciement du studio, d’autres témoignages continuent d’arriver, notamment de la part de Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie, Rosanna Arquette, Emma de Caunes, Judith Godrèche, Léa Seydoux ou Cara Delevingne.
Ashley Judd était une des premières à en parler. En juillet 2015, elle avait révélé au magazine Variety son histoire de harcèlement sexuel par un magnat de studio de cinéma, sans le nommer. Asia Argento a révélé qu’en 1997, alors qu’elle n’avait que 21 ans, elle était invitée par Miramax à une soirée. Arrivée sur les lieux, elle se rend compte qu’elle est seule dans une chambre d’hôtel avec Weinstein qui ne portait qu’une robe de chambre. Après avoir flatté son talent d’actrice, il lui demande un massage en lui tendant un flacon de lotion. Peu après, il la force à un rapport non consenti. Elle raconte : “Il m’a demandé un massage. Je lui ai dit ‘Ecoute mec, je suis pas une imbécile.’ Mais avec du recul, j’étais une imbécile. J’essaye encore aujourd’hui de comprendre ce qu’il s’est passé. Il me terrifiait, il était tellement imposant. Il ne s'arrêtait pas, c’était un cauchemar, je n’étais pas consentante. Je disais ‘Non, non, non’. En était victime, je me sens responsable, parce que si j’avais été plus forte, je l’aurais frappé dans les couilles et je me serais enfui. Mais je ne l’ai pas fait. Donc je me sens responsable.”
Cara Delevingne raconte son histoire : “Quand j’ai commencé ma carrière d’actrice, je travaillais sur un film et j’ai reçu un appel de Harvey Weinstein me demandant si j’avais couché avec toutes les femmes avec qui on me voyait dans les médias. C’était un appel très bizarre et inconfortable… Je n’ai répondu à aucune de ses questions et tenté d’y mettre fin, mais avant que je ne raccroche, il m’a dit que si j’étais gay ou que si je décidais d’être avec une femme publiquement, je n’obtiendrais jamais le rôle d’une femme hétéro ou que je ne réussirai jamais à Hollywood. Un an ou deux plus tard, je suis allée à un rendez-vous dans le hall d’un hotel avec un réalisateur à propos d’un film. Le réalisateur a quitté les lieux et Harvey est arrivé et m’a demandé de rester avec lui. Dès que nous étions seuls, il s’est vanté de toutes les actrices avec qui il avait couché et comment il avait fait leur carrière et m’a parlé de plein de choses inapproprié de nature sexuelle. Il m’a ensuite invité dans sa chambre. J’ai rapidement décliné et demandé à son assistante si ma voiture était dehors. Elle m’a dit que non et qu’elle ne le serait pas avant un moment et que je devais aller dans sa chambre. A ce moment-là, je me suis sentie démunie et effrayée, mais je ne voulais pas le laisser paraître, espérant que j’avais tort sur la situation. Quand je suis arrivée dans sa chambre, j’étais soulagée de voir une autre femme dans la pièce et je me suis dit que j’étais en sécurité. Mais il a demandé à ce qu’elle et moi s’embrassions et elle a commencé à lui faire des avances. Je lui ai alors demandé s’il savait que je pouvais chanter. Et j’ai commencé à chanter… je me suis dit que ça allait améliorer la situation… la rendre plus professionnelle… comme une audition… j’étais tellement nerveuse. Après avoir chanté, j’ai répété que je devais partir. Il m’a raccompagné à la porte et est resté devant moi et a essayé de m’embrasser sur la bouche. Je l’ai arrêté et ai réussi à m’échapper de la chambre. J’ai quand même réussi à avoir le rôle dans le film et j’ai toujours pensé que je l’ai eu à cause de ce qui s’est passé. Depuis, je me sens très mal d’avoir fait ce film. J’ai l’impression de ne pas l’avoir mérité. J’étais tellement hésitante de parler de tout ça… Je ne voulais pas faire de mal à sa famille. Je me sentais coupable comme si j’avais fait quelque chose de mal. J’étais aussi tellement terrifiée que ce genre de choses était arrivé à tellement de femmes que je connaissais, mais que personne n’avait rien dit parce qu’elles étaient effrayées.”
Léa Seydoux confie pour sa part : "Je rencontre des hommes comme Harvey Weinstein tout le temps. [...] Il a flirté et m'a regardée comme si j'étais un morceau de viande. [...] Nous parlions sur le canapé quand il a soudainement sauté sur moi et a essayé de m'embrasser. J'ai dû me défendre. Il est grand, et gros, alors j'ai dû résister vigoureusement. Je suis partie, complètement dégoûtée, mais je n'ai cependant jamais eu peur de lui car je savais dès le début à qui j'avais affaire. Tout le monde savait ce que Harvey faisait et personne n'a rien fait. Il est incroyable qu'il ait pu agir comme ça pendant des décennies et garder sa carrière. C'est seulement possible parce qu'il a énormément de pouvoir."
Emma DeCaunes explique qu’en 2010, elle recherchait des fonds pour son projet et a été invitée par Weinstein dans sa chambre d’hôtel. Après s’être éclipsé, le producteur est sorti de la salle de bain nu et en érection. Il lui demande ensuite de s'allonger sur le lit en racontant que de nombreuses femmes étaient passées par là avant elle. “J’étais pétrifiée. Mais je ne voulais pas le lui montrer car je sentais que plus je paniquais, plus il était excité. Je sais que tout le monde à Hollywood sait ce qu’il se passe. Il ne se cache même pas vraiment. Il y a tellement de personnes impliquées […] Mais tout le monde est trop effrayé pour dire quoi que ce soit."
Gwyneth Paltrow a ainsi expliqué qu’elle aurait refusé ses avances lors du tournage de “Shakespeare in Love” et que son petit-ami de l’époque, Brad Pitt avait dû intervenir, “J’ai cru qu’il allait me virer”, confit-elle. Angelina Jolie a déclaré qu’elle a rencontré l’homme dans les années 90 sur le film “La Carte du Coeur”, alors qu’elle avait 23 ans, où il lui aurait fait des avances dans une chambre d'hôtel, “J’ai eu une mauvaise expérience avec Harvey Weinstein dans ma jeunesse et j’ai choisi de ne plus travailler avec lui depuis et j’ai averti d’autres actrices quand elle le faisait.” Hayley Atwell, qui avait également refusé ses avances, raconte qu’elle s’est faite traiter de “grosse vache” par le producteur mécontent d’avoir été éconduit.
Kate Beckinsale explique son expérience : “J’avais ce que je croyais être des limites. Je lui ai dit non de manière professionnelle à de nombreuses reprises depuis de nombreuses années, parfois même il finissait par me crier dessus en me traitant de ‘s*lope’ et me menaçait et parfois il disait aux gens en rigolant ‘Oh Kate vit pour me résister.’” Elle ajoute que son attitude envers Weinstein a “sans aucun doute” causé du tort à sa carrière. Mira Sorvino et Rosanna Arquette pensent également que Weinstein est responsable du tarissement de leur carrière.
Lupita Nyong’o a également failli en pâtir. Elle raconte son histoire, alors qu’elle avait un dîner avec Weinstein : “Avant que l’entrée n’arrive, il m’a dit ‘J’ai une chambre privée en haut où nous prendrons le reste de notre repas. Je lui ai dit que je préférais manger au restaurant, mais il a répondu que je ne devais pas être aussi naïve, si je voulais être une actrice, je devais être d’accord de faire ce genre de choses. Il m’a dit qu’il était sorti avec telles actrices très connues et que je devais voir la carrière qu’elles avaient eu depuis.[...] Avant que je parte, je voulais m’assurer que je n’avais pas éveillé un monstre qui pouvait ruiner mon nom et détruire mes chances dans le business avant même que je n’ai pu y rentrer. Je lui ai dit ‘Je veux m’assurer qu’il n’y a pas de problème entre nous.’ Il a répondu ‘Je ne sais pas pour ta carrière, mais tu iras bien.’ Cela sonnait comme une menace et un réconfort à la fois, de quoi, je ne savais pas trop.”
Et des témoignages comme cela, ils sont encore nombreux et continuent d’arriver chaque jour. Mais le scandale ne touche pas seulement qu’Harvey Weinstein, puisqu’il éclabousse également toutes les personnes complices de ces crimes, notamment les personnes de renom qui auraient aidé à faire taire les affaires.
Rose McGowan accuse notamment le patron du studio Amazon, Jeff Bezos, de n’avoir rien fait après qu’elle lui ai révélé avoir été violée par Weinstein. Elle déclare sur Twitter : “J'ai dit au patron de vos studios que HW m'avait violée. Je lui ai dit et re-dit. Il a dit qu'il n'avait pas de preuve. Je lui ai répondu que c'était moi la preuve.” Elle s’en prend également à Ben Affleck qui a publié un communiqué il y a quelques jours qui se dit étonné et dégoûté d’apprendre la nouvelle, ce à quoi elle répond qu’il était parfaitement au courant de ses agissements depuis plus de 20 ans. Elle déclare : “Tu m’avais dit ‘Merde! Je lui avais pourtant dit d’arrêter’ quand j’ai voulu faire une conférence de presse après l’attaque. Tu mens.” Ce dernier depuis se retrouve accusé à son tour d’agressions sexuelles sur plusieurs femmes.
Matt Damon et Russell Crowe seraient également impliqués puisqu’ils sont accusés d’avoir fait pression sur une journaliste qui souhaitait dénoncer les agissements de Weinstein en 2004, afin qu’elle ne publie pas son article. Damon reconnaît avoir appelé la journaliste, mais dément avoir été au courant des actes de Weinstein, pensant qu’il s’agissait juste d’un article à charge contre Miramax. Dans une interview à Deadline, il reconnaît que de tels comportements existent à Hollywood, mais il ignorait que Weinstein en était un des auteurs. “Nous savons que ça arrive. Je me sens mal pour toutes ces femmes et c’est incroyable qu’elles aient ce courage de s’élever à présent.”
La police de New York et de Londres ont fait savoir qu’elles lançaient des enquêtes et appellent toutes les victimes de Weinstein à apporter leur témoignage.
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Mise à jour : Le femmes ne sont pas les seules à parler. Certains hommes du milieu commencement à apporter leur témoignage.
Le réalisateur Michael Caton-Jones (“Le Chacal”, “Blessures Secrètes”) a fait savoir qu’il avait été viré de son propre film après s’être opposé à Weinstein. En 1998, il travaillait sur le film “B.Monkey” et cherchait l’actrice qui incarnerait le premier rôle. Après avoir auditionné des centaines d’actrices, il choisit Sophie Okonedo. Il raconte : “Harvey n’arrêtait pas de me demander ‘Est-ce que tu penses qu’elle est baisable ?’ Je lui répondait qu’elle était la meilleure actrice pour ce job et il n’arrêtait pas d’argumenter. C’est quand j’ai dit ‘Ne fous pas en l’air le casting de ce film parce que tu veux baiser’ qu’il est devenu fou.” Peu de temps après, il est renvoyé et décide de faire savoir son mécontentement auprès de la production : “Je leur ai dit que je ne recrutais pas en fonction des érections de Harvey Weinstein, et ça les a fait rire.” C’est au final Asia Argento, abusée par Weinstein un an plus tôt, qui a décroché le rôle.
Quentin Tarantino, dont les films ont été produits et distribués par Weinstein et dont beaucoup d’actrices avec qui il a travaillé ont fait part de leur témoignage accablant, s’est également finalement exprimé. “Je savais assez pour en faire plus que ce que j’ai fait” déclare-t-il en citant plusieurs incidents avec ses actrices. “C’était bien plus que des rumeurs. Je savais qu’il avait fait certaines de ces choses. J’aurais aimé prendre la responsabilité sur ce que j’ai entendu. Si j’avais fait le travail que j’aurais dû faire, je n’aurais pas continué à travailler avec lui. J’ai marginalisé les incidents. Et tout ce que je dirais à présent sonnera comme de mauvaises excuses. [...] Tout ceux qui étaient proches de Harvey ont entendu au moins un de ces incidents. Ce n’est pas possible autrement.”
Le producteur et le réalisateur ont travaillé ensemble pendant des décennies. Depuis 1992, quand Weinstein a produit “Reservoir Dogs” jusqu’à son dernier film “The Hateful Eight”, en passant par “Pulp Fiction” ou “Kill Bill”. Weinstein venait également d’organiser la fête de fiançailles de Tarantino il y a quelques semaines.