Elle tirait sur sa cigarette avec satisfaction, santiags sur la table, et dévisageait l'homme assit face à elle. "C'est toi l'élu" dit-elle. "les vieux l'ont décidé. C'est à toi d'y aller Johnny, t'as plus le choix." Le dénommé Johnny se prit la tête entre les mains "Et ma femme ! et mes gosses ! Si je reviens pas, ils feront quoi bordel !" La femme eut un haussement d'épaules "Qu'est-ce ' jen sais moi Johnny. Tout ce que je sais c'est que ce qui est à faire doit être fait. Et que c'est à toi de le faire." Elle écrasa sa cigarette, se leva et passa nochalemment près du pauvre Johnny qui la regarda d'un air hagard pousser les portes du saloon. "Dans quoi j'ai été suis fourré... Merde... "
(La chanson résonnait encore dans le fond de sa tête.) puis au barman "Sers-m'en un autre Sam !"
Son corps lui paru tellement lourd lorsqu'il se décida à se lever. La nuit était tombée. Il n'avait plus le choix. Les anciens avaient parlé. C'était à lui de le faire.
Le village était plongé dans le noir, il le traversa en titubant. Arrivé chez lui il prit son fusil, des munitions, quelques vivres au cas où et une bouteille de bourbon pour se donner du courage. Puis il se rendit à l'écurie pour chercher Rock-Island, son vieux cheval. En le flattant il lui grommella des mots incompréhensibles sur leur nouvelle mission. "La dernière, proba.. Hic !!!! ... blement. "
Rock-Island se laissa faire docilement.
Quelques instants plus tard, les deux compagnons foulaient la route du désert, en direction des ruines interdites.
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Cela faisait des heures qu'ils étaient partis. Le soleil commençait à poindre à l'horizon. Johnny décuvait. "Cette salope, je paris qu'elle m'a entubé, disait-il à son cheval, t'aurais vu son sourire en coin là, Ouai ouai, j'en suis sûr que c'est pas c-qu'ont dit les vieux, ou alors elle leur a taillé une pipe pour les convaincre, j'te l'dis moi, rien qu'pour sauver son père ! Et pis ça l'arrangerait bien d'ailleurs, son père, de récupérer mes terres ! "
Il s'interrompit quand il aperçu percer au loin la vieille église. Sa gorge se noua. "On y est, mon vieux Rocky."
Ah, il en avait vécu des choses dans cette église. Il s' était marié, avait baptisé son fils et sa fille, dans cette fichue église. Aujourd'hui elle seule était restée intact, on ne savait pas trop pourquoi. L'ironie du sort. "On passe notre temps à prier Dieu qu'il nous envoie un signe de là-haut, et un jour il nous fait carrément tomber le ciel sur la tête. On peut compter sur personne, j'te l'dis."
Bientôt l'ancien village s'offrait entièrement à ses yeux. Johnny sorti sa bouteille et but avidement.
Des ruines, voilà ce qu'il en restait. On aurait dit un gros biscuit qu'on aurait écrabouillé en sautant dessus.
Johnny eut un frisson. Il revoyait les gens hurler et courir, pour ceux qui le pouvaient encore. Les autres par terre en charpie. Son vieux frère disloqué à côté de lui. La peur, surtout, la peur et l'incompréhension. Le feu. C'est un gosse dans la rue qui avait donné l'alerte le premier "Hey, regardez là-haut !!!" Il avait levé les yeux au ciel et l'avait vue lui aussi, cette gigantesque boule de lumière, qui arrivait droit sur eux. C'était allé tellement vite.
Après les premières morts et la panique, quelques villageois, dont Johnny, s'étaient alors approchés du gigantesque astéroïde encore fumant, et quelque chose s'était passé. Une musique avait retentit, de nulle part, de partout à la fois. Des notes gaies et légères. Puis une voix leur parvint, qui psalmodiait dans un language inconnu. Aucun d'eux n'avait jamais pu oublié cette chanson. Et soudain la roche s'était ouverte.
Johnny tremblait à présent. Il arrêta son cheval; il devrait continuer à pied car le sol était couvert de débris et trop dangereux pour Rock-Island. Il régnait un silence de mort et pourtant il savait que la chanson n'allait pas tarder à l'accueillir. Ils l'attendaient sûrement.
Peu nombreux étaient les personnes qui, ce jour là, avaient vu la roche se fendre et ce qui se cachait à l'intérieur, mais Johnny en faisait partie. Lui et les autres s'étaient empressés d'aller prévenir tout le monde, de ramasser les blessés, et de battre en retraite, loin loin dans le désert sans un regard en arrière.
Ils avaient rebâtit un village de leur propres mains, avaient reconstruit leurs vies. Des mois s'étaient écoulés. Tout reprenait place, les esprits guérissaient. Il avait été décrété que la présence d'Uranium dans l'astéroïde rendait impossible quelconque retour à l'ancien village, d'où son appellation de "ruines interdites".
En vérité, ceux qui savaient ce qui se cachait là avait préféré donner cette version pour préserver les villageois de l'effroyable vérité.
Et puis une nuit, la chanson avait résonné dans la tête de Johnny, en pleine nuit, lui arrachant un cri . Il avait réveillé son épouse mais elle, n'entendait rien. Il était finalement devenu clair que seules les personnes qui avaient assisté à l'ouverture de la pierre le jour du drame pouvaient entendre cette chanson. C'était un appel.
ILS les rappelaient à eux.
Le groupe s'était rassemblé et avait créé la société secrète des "Témoins"; ils avaient décidé de gérer la situation ensemble sans impliquer les autres dorénavant, car ils commençaient à être pris pour fous. Les Témoins pouvaient à présent comprendre les paroles de la chanson mystérieuse. Et ces paroles étaient très claires: "Que l'un de vous revienne à nous, et nous n'auront pas à venir à vous." Pétrifiés à l'idée que ce qu'ils avaient vu dans l'astéroïde ne vienne jusqu'au nouveau village, les Témoins avaient envoyé l'un des leurs retourner aux ruines. Le jour suivant un arbrisseau tortueux avait poussé sur la place centrale. L'homme n'était jamais revenu.
Depuis, chaque année, l'évènement secret reprenait. La chanson, d'abord, puis - un rituel s'était mis en place - les plus vieux du groupe des "témoins" désignaient qui devait partir. Et chaque année un nouvel abrisseau poussait sur la place du village, et on appelait ça "la broussaille des disparus".
"Et voilà qu-c'est mon tour" soupira le bon vieux Johnny d'un air dépité. A peine eut-il dit ces mots que la chanson retentit en lui. Plus puissante, pluis claire que jamais. Une brise se leva. Le coeur battant, les yeux écarquillés, meurtrit par l' angoisse, l'élu mit un pied devant l'autre et se mit à suivre la musique et les voix.
L'astéroïde n'avait pas bougé, il était là, intact, irréel, incrusté de crystaux qui réfléchissaient la lumières du soleil. La beauté de l'objet était frappante. Les voix subjuguantes.
Contre toute attente, la peur de Johnny se dissipa. Son esprit ne faisait plus qu'un avec le chant hypnotique. Ses membres s'engourdirent. Pour la première fois il était heureux d'avoir été choisi.
Un rai de lumière bleue fusa de la faille qui s'ouvrit dans la roche venue d'ailleurs. Johnny s'avança.
Au village, la broussaille des disparus compta un nouvel arbre.
THE END !